[Jeune Afrique] Bénin, Talon, Yayi et le Mercredi rouge

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La rubrique « Confidentiel » du dernier numéro de Jeune Afrique (n°2746 du 25 au 31 août 2013) contient un article intitulé « Bénin, Talon, Yayi et le Mercredi rouge ». Cette indiscrétion met en évidence les connivences que tout le monde perçoit mais que beaucoup trop ne veulent pas voir en face : celle du lien entre la soit-disant révolte populaire du Mercredi rouge, avec l’affaire Patrice Talon.

La création soudaine au Bénin du Mercredi rouge, farouchement hostile au projet de réforme  de la constitution, ne doit rien au hasard. L’un des ses principaux dirigeants, Joseph Djogbenou, n’est autre que l’avocat de Talon, l’homme d’affaires poursuivi pour tentative d’empoisonnement contre le Chef de l’Etat, Boni Yayi, en octobre 2012. Pour le pouvoir le scénario brandi par le Mercredi rouge – la réforme  de la Constitution permettrait au président (lequel effectue, aux termes de l’actuelle Loi fondamentale, son second et dernier mandat) de se représenter en 2016 en passant à une nouvelle République – est un écran de fumée. La raison réelle de cette opposition concerne plutôt l’une des dispositions de la réforme : l’imprescriptibilité des crimes économiques. Or, Patrice Talon est également visé par sept plaintes économiques, notamment dans le secteur de coton et sur le programme de vérification des importations (PVI) au port de Cotonou.

Sans grande surprise, La Nouvelle Tribune – ouvertement anti-Yayi et pro-Talon (il suffit de lire ses articles pour s’en convaincre…) – a rapidement réagi et accuse Jeune Afrique de faire de la désinformation. Ce qu’à notre tour nous pouvons reprocher aux auteurs de cet article et nous interroger : pour qui roule donc La Nouvelle TribuneNous serions en effet curieux de connaître les noms des actionnaires, soutiens et « parrains » du journal béninois… Qui paye son impression ? Qui a financé la restructuration récente de son site Internet ?

Plus sérieusement, revenons à la question de réforme de la Constitution. Discuté à l’Assemblée nationale depuis le 6 juin 2013, le projet de réforme de la Constitution (1990) ne prévoit que trois dispositions :

  • la création et la constitutionnalisation de la Cour des comptes,
  • la constitutionnalisation de la Commission électorale nationale autonome (CENA),
  • l’imprescriptibilité des crimes économiques.

L’article 42 qui fixe à deux le nombre de mandats présidentiels et l’âge maximum pour être candidat (70 ans) n’est pas concerné. Cet article a été sanctuarisé par la Cour Constitutionnelle et la loi référendaire du 18 janvier 2012 exclut le recours au référendum sur cette question. Quant au scénario d’une Seconde République qui remettrait à zéro le nombre de mandat effectué par Boni Yayi : la France a connu 24 révisions de la Constitution depuis 1958 et vit toujours sous la Vème République !…

Et en bonus, un extrait  de l’intervention de Théodore Holo, Président de la Cour Constitutionnelle, lors de la rencontre périodique des présidents des institutions. 

« IThéodore Holol est évident que dans le projet de loi tel que nous en avons pris connaissance, projet de loi portant révision de la constitution, il y a des éléments positifs qui contribuent au renforcement du processus démocratique, ne serait-ce que par rapport à la question de l’imprescriptibilité des crimes économiques, ne serait-ce que par rapport à l’exigence de la création d’une Cour de Comptes qui est une directive de l’UEMOA, ne serait-ce que par la professionnalisation de la Commission Electorale Nationale Autonome qui doit être le garant de la qualité des élections qui sont organisées au Bénin. Parce que nous savons, vu l’expérience des pays de la sous région que des élections mal organisées sont sources souvent de tensions et de violences déstabilisatrices de la stabilité politique. Nous avons observé que dans le projet qui est envoyé à l’Assemblée, des propositions pertinentes ont été faites à ce niveau. Mais je me dois de rappeler que les Présidents des Institutions ont observé également que depuis 2007, la Cour Constitutionnelle a rappelé dans une de ces décisions que toute réforme, toute révision de la constitution doit se faire en essayant comme nous l’avons fait à la conférence nationale d’avoir le consensus ; comment travailler pour que ce consensus soit réalisé. Je pense que les différents membres des institutions présentes à cette rencontre vont continuer à réfléchir sur la question pour que dans le débat qui se mène, nous créons les conditions pour que ce consensus puisse être réalisé. D’abord il faut que la population puisse s’approprier les éléments du projet de loi qui a été envoyé à l’Assemblée Nationale. Je pense que la question doit être également discutée dans le cadre du processus d’élaboration ou d’adoption des lois au niveau de l’Assemblée Nationale. Le peuple ne peut pas être indifférent ou ignorant de ce qui se fera dans le cadre de l’adoption de toute question relative à la réforme ou à la révision de la constitution comme nous l’avons eu à le faire en 1999 où il est question d’adopter la constitution de 1990 ; il a fallu que le peuple s’en approprie, ce qui fait qu’aujourd’hui, le peuple est le meilleur garant de la mise en œuvre ou du respect de l’ordre constitutionnel. Déjà pendant la période révolutionnaire, nous avons pris l’habitude de la popularisation des projets de lois portant révision ou portant adoption de la constitution. Si ce travail est fait, seul béninois se sentira concerner par le compte tenu de la constitution et sera prêt à le défendre, ce qui donne une garantie pour la préservation de l’ordre constitutionnel. Il faut travailler à ce que cette condition ne soit réalisée et je pense que les différents acteurs sont convaincus de la nécessité de ce débat. Ce débat suppose que nous soyons prêts à faire les compromis et les concessions utiles. Cela suppose que nous sachions de quoi il s’agit. Et j’ai eu le plaisir de savoir qu’au niveau déjà des maires, un travail d’appropriation à été fait. Au niveau également des députés un travail a été fait. Il y a aussi les acteurs politiques ; il y a aussi les organisations de la société civile qui ont besoin de s’approprier les éléments de ce projet de révision pour que si le débat doit se faire, que cela se fasse dans un esprit apaisé ; que chacun sache de quoi il s’agit et que nous comprenions que ce qui est fait va dans le sens de la consolidation des acquis démocratiques. Ces questions ont été abordées donc par les Présidents des Institutions et voilà la tendance qui se dégage, qui est le reflet de la position de la concertation. Mais vous savez que nous acteurs de la Cour Constitutionnelle, nous avons naturellement une obligation de réserve. Mais nous n’en demeurons pas moins des citoyens attentifs à la création des conditions d’une démocratie apaisée. »

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